Etre un loup ?

J'ai retrouvé non pas sur "un vieux cahier bleu d'écolier" (ma chanson préférée), mais sur ma cléf USB, un texte que j'avais écrit en Avril 2005. J'étais un vendredi soir dans un tgv avignon Paris, pour rejoindre mon amie en vue d'un weekend en Capitale, ouverture pour moi de vacances de printemps. La veille, je redescendais, avec ce même train, de Dieppe (où j'avais été malade à cause d'huitres visiblement pas fraiches). Et mon état d'esprit n'était pas bon.

Je n'ai jamais mis ce texte sur mon blog. Sans le retoucher, je le mets aujourd'hui. Car je trouve qu'il évoque bien ce que j'ai pu ressentir, et ce qui est aujourd'hui encore ma position de cadre. Certes plus dans le secteur privé soumis à cette concurence et à cet argent qui rend les gens cons (je suis de droite, rappel), mais ma philosophie reste la même.


Je suis en vacance une semaine et demi. 10 jours loin du travail, avec néanmoins un PC portable et un GSM toujours à l'affut. Et moi, tel que je me connais, je répondrai, et tenterai d'aider avec la plus grande application la personne qui sera au bout du fil. Et quand je rentrerai dans 10 jours, comme à pratiquement chaque vacance, sans doute mes affaires auront été plombées de multiples petites emmerdes, dans lesquelles bien sur personne ne sera responsable... Et tout mon bénéfice de quelques jours de repos partira en fumée. Cela s'est passé comme ça il y a un an, deux ans... Et ca continuera sans nuls doutes.

C'est donc ça la vie professionnelle apparement. Une vie où finalement le but est d'abord de se protéger, d'ouvrir des parapluies. Mettre toutes les fautes dans le camps de l'adversaire, aprés bien sur lui avoir pris sa couverture et ses mérites. Si en plus on peut le planter, faisons le. C'est un monde assez brutal, assez animal, où les amis n'existent pas. Et où le terme "relations humaines" ne serait donc qu'un reflet plutot bonimenteur d'un simple combat de catch où tout se joue dessous les tables, dans le dos.

Pourtant, malgré tout ça, on rencontre parfois des gens supers. Des gens qui ont été élevés, comme moi, dans la philosophie du "gagnant - gagnant". Un échange n'est bon que quand les deux parties sont gagnantes. Si une écrase l'autre, il y a aura tôt ou tard le retour de baton, violent, qui va bien. Des gens élevés dans le respect des autres. Ecouter et comprendre avant d'abaisser et agresser. Et essayer de régler ensemble les problèmes plutot que de s'ouvrir son parapluie en éclaboussant le voisin.

Je fais sourire des gens quand j'essais d'appliquer cette philosophie. On me rit au nez, on m'explique que c'est angélique, que c'est idiot. Que le monde n'est pas comme ça. Que la personne à qui tu vas tendre la main, lorsqu'elle le pourra, te flinguera. Car une seule chose compte. Sa carrière.

Pourtant, j'ai, à mon "actif", des promotions de gens qui l'ont mérité. Ils m'en sont reconnaissants, car la gratitude fait encore partie de ce monde. J'ai peut être deux, trois, voire un peu plus, personnes qui seront là si un jour j'ai besoin d'aide professionnellement. Car j'ai été modestement présent à ces moments là, et car ceux sont des hommes qui n'ont pas besoin de grands contrats rédigés par avocats pour traiter. Une parole est une parole.

Aujourd'hui, je pars en vacance alors qu'un compagnon de la vieille école, celle des presques cinquantenaires qui ont commencé ouvriers de base avant de finir responsable de secteurs, va partir. Il quitte ma société en claquant la porte. Il était responsable du secteur géagraphique imposant de l'Est. Il m'a appelé en fin de semaine, sur mon téléphone portable, pour me le dire personnellement.
Il n'a pas appelé grand monde, pourtant le Groupe est grand. Il m'a expliqué qu'il était fatigué de faire le "sale boulot" de virer des gens. Virer des petits pour protéger des gros. Qu'il était fatigué de travailler avec des "petits cons arrogants", aux dents longues et sans grandes morales. Si il m'a appelé, c'est que je ne suis peut être pas "que" comme ça.

Enfin, ce soir je suis un peu désabusé en prenant ce train pour monter à Paris. J'ai conscience en mon potentiel et en mes qualités. Humaines et profesionnelles aussi, car mon travail ne peut être remis en cause. J'ai aussi conscience de mes défauts. Ceux peut être, d'abord et avant, de ne pas être le "tueur" que je pensais être capable d'être. Pour faire de la politique, il le faut pourtant. Mais est ce que l'ambition démesurée peut aller de pair avec les principes de fidélité et de reconnaissance que j'ai toujours mis au dessus de tout ? Sans doute pas.

Dans tout, même dans le libéralisme (je reste un libéral républicain), la part de l'humain est primordiale. L'homme est certes un loup pour l'homme, mais même les loups se respectent et s'entraident. L'esprit de meute est quelque chose de réel.

Je ne serai sans doute jamais un grand dirigeant d'entreprise. Jamais un grand responsable de la société dans laquelle je travaille en ce moment (pour encore combien de temps ?). Par contre, je me sens assez droit. Quand je me regarde dans une glace, je n'ai pas trop honte. Je suis triste et amer, j'ai une boule dans la gorge car je pense vraiment ne pas être fait pour ce monde là, mais j'avance. Je progresse. Et j'essaierai de rester celui que je suis.


Drole de relire ça alors que je suis encore au bureau, Mont Ventoux (encore lui) derrière moi. 18 mois aprés je quittais cette société. Je quittais des collègues que j'aime sincérement. Mais une ambiance et une philosophie avec lesquelle je n'étais plus en compatibilité. Erreur système. Non, je ne regrette rien.

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