Le Jour d'après (HADOPI)

« On porte nos regrets, si nous survivons peut être, le souvenir dévasté, de notre ancien Internet »

Si j’ai trouvé le film assez quelconque, je confesse (sans honte) trouver la chanson de fin de Chimène Badi assez réussie. Et touchante.
Le jour d’après l’adoption d’HADOPI. Hier le Sénat, avec la complicité des socialistes, a accepté sans débat et à une vitesse hallucinante la loi HADOPI. Qui doit normalement « protéger la création artistique ». En coupant Internet à tous les internautes qui ne mettront pas le mouchard gouvernemental. Enfin, on a déjà dit tout sur cette loi…

Mardi, lors du vote de l’assemblée, je rentrais en réunion du bureau de la communauté de communes dont je suis un modeste vice président. Entouré des maires des autres villages, et de quelques adjoints. Je lui le seul vice président non adjoint, et à fortiori non maire. Je trouve ça logique, ce non cumul de fonction. J’ai un travail à coté, et si je veux assumer correctement ma fonction d’élu, je ne peux pas cumuler… Donc je considère ça comme un hobby, pas comme un deuxième métier. Un hobby qui me permet certes de toucher 3 sous espagnols, mais aussi qui me passionne, et accessoirement m’octroie un peu de fierté de servir les habitants de mes deux villages qui font partis de cette communauté.
Je m’égare, mais j’étais en réunion de bureau donc quand HADOPI est passé. Je n’ai pas trop suivi les discussions. J’avais les yeux rivés sur mon Nokia N95. Je me suis senti mou à cette réunion, sans entrain. Sans bon mot que je lance comme ça en plein milieu pour détendre une atmosphère déjà légère. Non, mou… Et triste.

Et puis arrive l’information. HADOPI accepté. Et par 557 députés. 97 % des effectifs de l’assemblée nationale étaient présents. La première fois, ils n’étaient que 6% à refuser HADOPI… Cette augmentation montre qu’on était loin de la défense des artistes. Comme le confirme le député Jean-François Domergue qui a voté oui alors qu’il pensait non, « je n’ai pas voulu mettre le gouvernement en difficulté ».
Pour continuer à citer l’excellent PC Inpact :
« D’ailleurs, question simple et efficace de Montpellier-Journal.fr. « "N’aurait-il pas été plus simple de forcer le gouvernement à la retirer ou à l’amender ?" Réponse : "Ça aurait été possible à condition que, vous, la presse, n’interprétiez pas ça comme une défaite politique." Là c’est sûr, c’est une victoire et on tient un champion. ».
A relire la lettre de Jean-Fraçois Copé aux députés UMP, qui confirme que le vote d'HADOPI devient un vote purement dogmatique et bêtement partisan : "ce n’est désormais plus la teneur de ce texte qui est en cause. Ce qui importe c’est le problème politique créé par son rejet surprise et par le comportement absurde de l’opposition"

On a tout dit sur HADOPI. Et sur les à cotés, profondément nauséabond, du débat HADOPI. Les insultes. Cette affreuse affaire TF1, qui aurait mérité la démission de Christine Albanel, comme le réclame le député UMP Lionel Tardy. Les principes bafoués, le Parlement humilié, et les parlementaires franchement sans plus aucune crédibilité. Domergue, mais aussi le député Jean-Pierre Georges. Contre HADOPI publiquement, mais en séance, on vote pour, afin de ne pas froisser le Roy qui a fait d’HADOPI une affaire personnelle. Quelle crédibilité donner à ces gens là après ? C’est pas évident…

Alors oui, Hérétique a raison d’en avoir marre d’HADOPI. Il pense que, dans l’ensemble, les français s’en moquent. Je ne sais pas… C’est sur que TF1 n’en a pas parlé, et qu’une majorité de français pense l’actualité par le prisme des médias. La crise est là, et quand on n’est pas sur de garder son job le mois prochain, quand on a du mal à finir ses fins de mois, le fait que le Parlement soit humilié et que les principes de présomption de l’innocence soit piétiné est de moindre importance.

Pour autant, que sera le jour d’après HADOPI ? J’ai l’impression que le net que je connais depuis 10 ans, et auquel je suis très attaché, ne sera plus le même. Il n’est déjà plus le même. A l’époque, je ne blogguais pas, Wikio n’existait pas. C’était les newsgroups. J’avais 20 ans. Je parlais Saint Seiya, pas de politique. J’ai rencontré des gens exceptionnels, qui ont fait ma vie. Certain(e)s plus que d’autres. Certaine douloureusement.
Et demain ? Si on ne met pas le mouchard, on risque d’être présumé coupable, et de se voir priver de net. L’ambiance sera-t-elle la même ?

Pleins de billets se veulent optimistes. Orange présente les danger d’HADOPI pour le gouvernement. MxDev et AliciaBx lancent la résistance à HADOPI, ainsi que présenté sur cet article du Monde.fr. LinuxMania présente d’ailleurs un amusant plan de résistance anti-HADOPI. Et la Quadrature repart au combat.
Car comme nous le dit Nicolas Dupont-Aignan, le combat ne fait que commencer.

Aussi intéressant d’imaginer les jours d’après l’adoption d’HADOPI. L’internet de dans pas longtemps. Skeptikos imagine le scénario de la fin d’HADOPI. J’ai également lu sur un blog (mais je ne me souviens plus duquel, quelle tache je suis…) le cas d’école de l’abonné à Free et Canal Sat (60 euros par mois) qui loupe un épisode de Désespérate HouseWife en oubliant de brancher son magnétoscope. Il le récupère donc sur le net sans passer par le VOD, et zou plus de net.
Et les exemples ne vont pas tarder à fleurir. Avant les premiers litiges ?

Après, ne soyons quand même pas angélique. Je ne pense pas que la culture soit automatiquement gratuite. Évidemment que télécharger le dernier album qui vient de sortir, c’est moyen… Quelque part, voler c’est voler… Maintenant, est ce que le pseudo-remède proposé n’est pas plus grave que le mal ? Est-ce que la fin, aussi légitime soit elle, justifie t’elle tous les moyens ?

Et moi, comment vais-je vivre le net maintenant, avec HADOPI ? D’abord, n’était pas forcément un immense consommateur de la Mule et du reste, je pense que j’arriverai à vivre avec un peu de sérénité, ça ira… Mais plus sérieusement, est ce que sans le « téléchargement illégal », j’aurais découvert l’immensité du monde du « dessin animé japonais », et des artistes musicaux qui sont maintenant mon univers musical, et que je trouve à couper le souffle ? Je ne crois pas. TF1 et la FNAC ne proposent pas Angela Aki, Kalafina, Fiction Junction, Maaya Sakamoto, ou Chiaki Ichikawa ?
J’ai consommé, suite à ces « téléchargements illégaux », fait de fansub ou de diverses récupérations. On achète des DVD par exemple, ou des albums quand ils peuvent être disponibles en France. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de gens en France qui ont acheté un Live d’Angela Aki ou d’Arc En Ciel…
Enfin, je ne cherche pas à justifier mes actes. Je ne me considère pas moralement irréprochable (qui l’est après tout), mais pas non plus comme le monstrueux délinquant terroriste que veulent décrire le ministre de la culture et son rapporteur de la loi. Est-ce que demain, si le streaming doit aussi être contrôlé, et si le net, en gros, doit être épuré de tout ce qui n’est gouvernementalement non approuvé, j’aurais pu découvrir ce monde là ?

Avec cette dernière question, idiote sans doute. Est-ce que les artistes sortiront gagnant de cette histoire ? Aujourd’hui, on lit que la SACEM pense qu’il faudra trouver un financement supplémentaire pour les artistes. Encore des taxes. On pourrait croire à une nouvelle provocation...
Mais il est évident que la répression des internautes ne rapportera rien aux artistes. Au contraire, si elle empêche des Chansons du Dimanche ou autres artistes de ce type de se faire connaître. L’ADAMI partage cet avis. On pourrait répondre à la SACEM que chaque acheteur d’ordinateur ou de média vierge paie une taxe qui doit normalement financer le milieu artistique. Je ne serais pour ma part nullement choqué par une augmentation de l’abonnement Internet pour financer le milieu de la culture, de manière transparente et en cessant l’hypocrisie.

Aujourd’hui, je me sens encore un peu sonné par ce qui s’est passé. Parce qu’au-delà du simple Internet, c’est tout un pan de ce que je croyais être la République qui vient de s’écrouler. Des médias autant aux ordres du pouvoir que ce pouvoir l’est devant les lobbyistes de ces mêmes médias. Un CSA qui ne sert à rien, confère TF1 qui admet ouvertement ne pas faire de l’information, mais de la propagande pour ces propres desseins. Et donc un Parlement qui ne sert également plus à rien, sinon à voter « bien » de préférence. La non reconnaissance du vote français lors du référendum européen était déjà un premier signal orange. Le feu est passé au rouge flamboyant.
Abattu encore un peu. Je lis avec intérêts et soulagement ces appels à se battre contre HADOPI sur le net. Mais j’ai l’impression que le mal est un peu plus profond que ça. Mettre tout ça sur le dos de Sarkozy ? Oui, sans doute… Je ne veux pas reprendre certains slogans alarmistes entendus ici et là, mais il y a de quoi trouver beaucoup moins faux les reproches d’autoritarisme et « d’abus de pouvoir » fait par certains politiques, pas uniquement de gauche d’ailleurs…

C’est vrai qu’aujourd’hui, mon moral est atteint. Aussi parce que je ne crois pas, politiquement parlant, qu’il existe aujourd’hui beaucoup d’alternative. A gauche, je persiste à penser que Royal mettrait en place une gouvernance peut être différente de celle d’aujourd’hui, mais qui présenterait un sectarisme tout autant dangereux pour la société. Abus de pouvoir peut être moins, mais je n’ai pas envie de remplacer un clan par un autre clan. Je ne parle que de Royal, Aubry est aphone. Et l’extrême gauche m’effraie de plus en plus.
A droite, il y aurait à voir quelle alternative possible. J’inclus Bayrou dans cette droite, je me trompe peut être…

Enfin, on verra ce que donnera ce jour d’après… On verra s’il sera fait de soupir, de souffrance, ou si une bonne surprise est encore envisageable…

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